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ALPHABETISATION AU BURKINA FASO: Aller au-delà des chiffres !

Cela est connu de tous : le développement de tout pays passe nécessairement par l’instruction et la formation des hommes, c’est-à-dire à un capital humain quantitatif et qualitatif. Devant cette lapalissade plus qu’évidente, le gouvernement burkinabè a entrepris plusieurs mesures visant à faire passer le faible taux d’instruction à un niveau acceptable.

C’est dans ce sens qu’en 1978, la 3e Constitution s’est prononcée pour la première fois sur l’officialisation des langues nationales, notamment le mooré, le jula et le fulfulde –choisies en 1974 par l’Etat ; car considérées comme des langues véhiculaires- lesquelles seront introduites de façon expérimentale au primaire.

Sous la houlette du ministère en charge de l’éducation et de l’alphabétisation, une place de choix a été donnée à la scolarisation des enfants, surtout des jeunes filles. Mais aussi et surtout, des personnes ayant passé l’âge d’être scolarisées.

Poursuivant les efforts de la IIIe République, la IVe République a mis en place le Plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB) –plus tard Plan stratégique de développement de l’éducation de base (PDSEB) pour accroître l’offre d’éducation de base et améliorer la qualité de l’enseignement, notamment en vue d’éliminer les disparités existantes dans les différents niveaux de l’enseignement.

Admettons-le ! Tous ces programmes et autres projets, nommons à titre illustratif le PDDEB et le FONAENF (Fonds pour l’alphabétisation et l’éducation non formelle) ont eu le mérite  de booster l’alphabétisation au pays des hommes intègres, surtout  dans les zones rurales, jadis reléguées aux oubliettes dans les programmes d’éducation. A ce jour, ce sont des milliers de Burkinabè, hommes comme femmes, qui ont pu passer du statut d’analphabète à celui d’alphabétisé.

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui, grâce à cette politique, savent lire, écrire et calculer, ne serait-ce que dans les langues nationales.

Ces nouveaux alphabétisés, pour la plupart des adultes et même des personnes  âgées regroupées au sein d’associations, ont ainsi la capacité de matérialiser les décisions et autres documents.   Hormis cet avantage indéniable, ces personnes ont la possibilité de s’informer notamment à travers la presse en langues nationales, mais aussi d’occuper des postes de responsabilités au niveau régional.

Cet engagement du gouvernement, reconnaissons-le, a été déterminant au point qu’on retrouve des médias d’Etat qui ouvrent leurs colonnes aux langues nationales.

Toute fois, si cette volonté du gouvernement burkinabè de mettre l’accent sur l’alphabétisation des populations, surtout en langues nationales, est à louable, force est de reconnaître que ce dernier a très souvent péché au niveau de l’accompagnement.

Avec en tête d’accroître exponentiellement le taux d’alphabétisation, avec le fameux slogan ‘’60% de taux d’alphabétisation d’ici à  l’horizon 2015’’, les autorités en charge de l’éducation et de l’alphabétisation, ont porté un coup de massue à la qualité de l’éducation qui s’en est d’ailleurs retrouvée très affectée.

Le Burkina Faso est loin, et même très loin derrière ses voisins, en matière de taux d’alphabétisation et de scolarisation. Aussi pour rattraper leur retard, ces derniers n’hésitent aucunement à poursuivre les chiffres, rien que les chiffres, plutôt que la qualité de l’éducation pour certainement justifier les financements et autres subventions.

Pour preuve, la période d’alphabétisation a été revue à la baisse. Désormais, les personnes en formation sont déclarées alphabétisées, après seulement 6 mois de ‘’cours’’. Pendant ce temps,  les documents en langues nationales se font de plus en plus rares. Or les connaissances linguistiques se maintiennent et s’améliorent avec la pratique.

C’est donc peu dire que d’affirmer que si l’on n’y prend garde, tous ces acquis risquent de se volatiliser un jour ou l’autre.

Pire encore, il tient pratiquement du miracle de croiser du regard, même en fouillant minutieusement les archives et autres bibliothèques avec le flair du plus grand chien renifleur au monde,  un quelconque document officiel écrit ou reproduit ou même imité dans ces langues pourtant déclarées nationales.

Combien de temps faudrait-il encore attendre pour voir des actes administratifs -extraits d’acte de naissance, cartes nationales d’identité, certificats de nationalité, casiers judiciaires- produits ou reproduits dans les  langues nationales ? Bien malin qui saura le dire !

Pourtant on s’évertue à multiplier les campagnes de communications et autres caravanes dites de presse pour magnifier et ‘’djélibaliser’’ les quelques actions pourtant moindres, menées sur le terrain, et pour quels résultats ?

Pendant ce temps, les neo-alphabétisés dans nos communes et villages attendent avec espoir de profiter des supposés avantages que leur nouveau statut pourrait leur apporter. Ne dit-on d’ailleurs pas que c’est le ‘’savoir qui engendre l’avoir ?’’

De ce fait, il ne serait  pas saugrenue de croire que dans ce domaine, ce qui tient le plus à cœur, ce sont plus les mobilisations de tout bord  que les résultats : Nul n’ignore les sous qui sont injectés dans ces projets et programmes aussi bien par le budget national que par les subventions et autres financements extérieurs. Car, ce serait de la malhonnêteté intellectuelle –comme le dit si bien l’autre- que de ne pas reconnaître que le système éducatif burkinabè souffre de la gestion de ses hommes et ce, depuis belle lurette. En effet, après plusieurs années d’expérimentation et de tâtonnement, on ne sait toujours pas, dans les plus hautes sphères décisionnelles du pays des hommes intègres, que faire ni où ranger les langues nationales, notamment celles déclarées –ou si vous préférez proclamées- véhiculaires : Faut-il les mettre sur le même pied d’égalité que le français-langue-officielle ? Faut-il au contraire les rétrograder au niveau des autres langues ou les laisser tanguer entre les deux ?

La question reste toujours posée et la réponse attendra, comme toujours, depuis des décennies.

Faut-il pourtant s’en étonner ? Non,  assurément !

Les plus réalistes des Burkinabè se doutaient certainement que cela ne pouvait en être autrement, le pays des hommes intègres ayant tout calqué sur l’Occident, notamment la France !

 

Bouélé Philippe BATIONO

 

 



18/04/2013
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