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CHAMPIONNATS D’AFRIQUE DE HANDBALL: La vérité sur le fiasco des handballeuses burkinabè

Derrière la contre -performance des Etalons handballeuses engagées dans les 6es et 17es championnats d’Afrique cadets et juniors féminins de handball que Ouagadougou a abrité du 7 au 13 août 2011, se cache un visage bien plus hideux. En effet, malgré les nombreuses professions de foi faites par la Fédération burkinabè de handball (FBHB) sur les supposées dispositions prises pour assurer une participation honorable des représentantes burkinabè à ces championnats africains, il a cependant donné de constater que de la parole à l’acte, le fossé s’est fait grand et même très grand. Et ce ne sont pas les statistiques qui démontreront le contraire. Livrées à elles-mêmes et oubliées de leurs dirigeants, les handballeuses ont vécu, tout au long de leur internat, un véritable calvaire. Hébergées dans des dortoirs insalubres et infestés de moustiques, sans lits ni moustiquaires, sans aucune assistance médicale, nourries de repas à la qualité douteuse, etc. Ainsi se présentait le quotidien de ces défenseuses de la Nation. Intrusion dans les vestiaires des joueuses burkinabè !

 

 

 

Derrière le satisfecit et la grande reconnaissance témoignés aux membres de la Fédération burkinabè de handball pour l’organisation qualifiée de « réussie » des 6es et 17es championnats d’Afrique des nations cadets et juniors de handball et ce, malgré la très mauvaise prestation des équipes nationales burkinabè engagées dans les deux compétitions (5e sur 6 pays, pour les cadettes ; 8e sur 8 pour les juniors), se cache un visage bien moins reluisant, la face invisible de l’iceberg. En effet, les handballeuses que nous avons rencontrées peu après leur deuxième match, nous ont fait savoir qu’elles connaissaient d’énormes difficultés, à savoir qu’elles avaient été regroupées à seulement 3 semaines du début des championnats, et qu’en plus, elles étaient logées dans des conditions exécrables. Dans notre quête de l’information juste, nous nous sommes rendus au stade du 4-Août, le mercredi 10 août 2011, pour faire la lumière. Il était exactement 20 h lorsque nous arrivions sur les lieux. Après nous être enquis auprès des vigiles sur place, ceux-ci ont daigné (non sans avoir quelque peu hésité) nous indiquer le lieu où étaient hébergées les handballeuses burkinabè. Une fois devant les dortoirs, nous nous sommes entretenus avec les encadreurs, puis avec les joueuses. Regroupées tardivement, trois semaines à peine avant le début des championnats, les équipes burkinabè engagées dans les 6es et 17es championnats d’Afrique cadet et junior féminins de handball n’auront eu que 3 semaines d’entraînement. Et le témoignage du premier adjoint à l’entraîneur, Bâ Banian Sirima, est lourd de sens : « Nous avons eu effectivement trois semaines de travail. Pendant ces trois semaines, nous avons donné ce que nous pouvons. Dans la première phase, nous avons travaillé sur le plateau Simon Compaoré ». Et ce n’est que deux semaines plus tard que, ayant eu un car à leur disposition, soit à une semaine de la compétition, qu’ils ont commencé à faire leurs séances d’entraînements au Palais des sports de Ouaga 2000. Le premier entraineur adjoint à l’entraineur des Etalons, Lambert Bo, poursuivra : « Nous faisions 2 séances par semaine alors qu’ailleurs, ils font 6 séances par semaine. Nous étions obligés de faire deux séances par jour pour espérer être au même niveau que les autres ». Mais les joueuses n’étaient également pas blanches comme neige. Car, comme l’a aussi expliqué l‘entraîneur adjoint, pendant qu’il fallait travailler la tactique, ils étaient parfois obligés de travailler la technique. « Les enfants ont quitté leurs clubs avec beaucoup de carences», conclura-t-il. Le niveau du championnat national se trouve donc ainsi remis en cause. Pour couronner le tout, les joueuses se sont entraînées, durant les trois semaines, sans chaussures, comme l’a souligné Natacha Séni, joueuse en équipe cadette : « Au départ, le problème de chaussures s’est posé. Certaines filles étaient obligées de s’entrainer pieds nus. Ce n’est qu’à deux jours de la compétition que nous avons toutes reçu des chaussures ». Même pour les maillots et les survêtements, il a fallu attendre dans la matinée du 7 août, jour de l’ouverture des championnats, pour les avoir, à en croire Bâ Banian Sirima. Le vice- président de la Fédération burkinabè de handball, Seydou Marcel Konkobo, n’a rien pu nier. Il affirmera qu’effectivement, après les présélections intervenues depuis le mois de juillet, « la sélection finale est intervenue à la fin du championnat national, en début juillet ». Sachant depuis longtemps que ces championnats seraient abrités par le Burkina, pourquoi les mesures n’ont-elles pas été prises à l’avance pour préparer plus longtemps nos équipes nationales ? Etonnant, n’est-ce pas ? Mais, cette situation n’est rien comparée à celles à venir, si rien n’est fait.

 

Des conditions d’hébergement « cafardesques »

 

 Mais quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous nous sommes introduits dans le dortoir des joueuses de l’équipe cadette ! une grande salle avec des matelas et des nattes étalés à même le sol et resserrés, un ventilateur dont la vétusté n’est pas à démontrer et fonctionnant avec peine, aucune moustiquaire… C’est, en effet, dans ces conditions que les filles ont été hébergées durant toute la compétition, alors que leurs adversaires étaient, elles, logées dans des hôtels et dans des dortoirs climatisés. Logées dans de telles conditions, dignes d’un groupe de réfugiés fuyant leur pays en guerre et à qui l’on fait l’aumône, fallait-il s’étonner des mauvaises prestations et de la débâcle de nos handballeuses ? Assurément non ! Toutes les conditions semblaient donc réunies pour leur échec. Approchée peu après, la capitaine des cadettes, Adjaratou Ouédraogo, nous confirmera nos impressions : « Les conditions d’ébergement ne nous ont pas facilité la tâche. Logées au stade du 4-Août, nous étions livrées aux moustiques car les chambres dans lesquelles nous étions, étaient sans moustiquaires, et en plus les ventilateurs avaient vraiment du mal à tourner. Cela a créé beaucoup de malades au sein du groupe ». Même son de cloche chez Doris Saré, Etalon junior : « Les moustiques et la chaleur veulent nous tuer. C’est très difficile pour nous d’avoir l’argent pour acheter le savon. Ce, malgré les 5000 F CFA qu’on nous donne par semaine. Celles qui ont de la famille à Ouagadougou sont parfois obligées d’y retourner pour chercher de l’argent ». En clair, tous les témoignages indexaient les mêmes causes, donc naturellement les mêmes effets. Vues les difficultés, pourquoi alors n’en ont-elles pas informé la fédération ? En guise de réponse, Natacha Séni explique qu’elles ont fait part de leurs difficultés à leurs encadreurs, mais « à chaque fois ils nous ont promis de voir ce qu’ils pouvaient faire et c’est tout ». A leur tour, les encadreurs, à travers la voix de Bâ Banian Sirima, ont laissé entendre que c’est seulement le lendemain du début de la compétition que certains membres de la fédération sont venus les voir et qu’ils n’ont pas manqué d’interpeller ceux-ci sur un certain nombre de problèmes. Mais, ces doléances sont à l’évidence tombées dans des oreilles de sourds, puisque jusque-là rien n’avait été fait allant dans le sens de l’amélioration des conditions d’hébergement de ces filles qui ressemblent étrangement à celles de bêtes que l’on a conduites à l’abattoir.

 

La FBHB se débine

 

 Entendu sur la question, le vice-président de la Fédération burkinabè de handball, Seydou Marcel Konkobo, nous a fait savoir qu’au moment où ils avaient voulu loger les joueuses, il n’y avait plus de chambres climatisées, raison pour laquelle les chambres ventilées avaient été choisies. Quant à la question de savoir pourquoi les chambres n’ont pas été réservées à l’avance, Seydou Marcel Konkobo explique : « C’est vrai que nous sommes un démembrement du ministère des Sports et des Loisirs, mais tous ceux qui viennent loger dans ces lieux sont également des sportifs. Il se peut que nous n’ayons pas pris des dispositions pour réserver les chambres à l’avance mais au moment où nous logions nos filles, il n’y avait que de chambres ventilées. C’est ce qui était disponible. On logeait les filles en fonction des moyens dont nous disposions. On pourrait nous demander pourquoi ne pas les avoir envoyées à l’hôtel. Mais une nuit à l’hôtel ce n’est pas moins de 20 000 F CFA ». Il ira même plus loin, affirmant qu’à l’heure actuelle (ndlr, 22 août 2011) ils n’ont reçu un seul F franc pour préparer ces championnats d’Afrique, « c’est sur la base des moyens propres de la fédération que nous avons préfinancé en espérant que le ministère nous accompagnerait. Mais jusqu’aujourd’hui, ce n’est pas fait», a-t-il ajouté. Concernant la question des moustiques, le vice-président de la FBHB a laissé entendre que cette responsabilité n’incombait pas à la FBHB. Selon lui, c’est l’Office de gestion des infrastructures sportives (OGIS), qui aurait dû prendre les dispositions pour bien loger les filles en leur octroyant des moustiquaires : « Effectivement nous avons constaté qu’il n’y avait pas de moustiquaires, nous avons donc acheté des bombes anti-moustiques que nous avons remises aux filles. Mais si ce que nous leur avons donné n’est pas efficace, ce n’est plus de notre responsabilité ». A qui alors la responsabilité ? En guise de réponse, Seydou Marcel Konkobo argumente : « Nous sommes au Burkina, à part la distribution de moustiquaires qu’il y a eu récemment, combien de personnes dorment sous une moustiquaire ? Il faut qu’on soit aussi réaliste ». Est-ce une raison suffisante pour livrer ces gamines à elles-mêmes et à l’adversité ? Il poursuivra dans son argumentation, laissant entendre que les filles, étant donné qu’elles sont grandes et responsables, devaient trouver elles-mêmes une solution à leurs problèmes : « Elles ne doivent pas s’attendre à ce que ce soit la fédération qui descende jusqu’à s’occuper de ces problèmes. N’oublions pas que les membres de la fédération ont d’autres activités ». Est-ce une démission, ou encore une méconnaissance du rôle qui devrait être celui de la Fédé ? Qu’en est-il alors des engagements pris lors de leur prise de fonction ? Ne savaient-ils pas ce qui les attendait en organisant ces championnats, surtout en y inscrivant deux équipes ? Autant de questionnements sans réponses !

 

Côté restauration, même refrain : « Ce n’est pas de la responsabilité de la FBHB »

 

 Aux côtés du problème d’hébergement, une autre « corvée » non moins importante s’est plus que souvent présentée aux filles : la restauration. Si la capitaine des cadettes, Adjaratou Ouédraogo, a fait savoir, sans rentrer dans les détails, que la qualité des plats à elles servis « laissait à désirer », sa coéquipière Natacha Séni, elle, affirmera : « Plusieurs fois déjà, tout comme ce soir (ndlr, mercredi 10 août 2011) on nous a servi du poisson avarié et des fruits soit non mûrs, soit pourris ». Et cette situation n’a été sans conséquences sur les handballeuses. En effet, certaines en seraient tombées malades, et d’autres ont été obligées, à l’image de Angèle Ilboudo, capitaine des juniors, d’aller s’acheter, dans la rue et à maintes reprises, de quoi manger. Brandissant comme alibi le problème des finances, le président du comité d’organisation des championnats d’Afrique des nations cadet et junior féminins de handball explique que la Fédération burkinabè de handball (FBHB) aurait payé la somme de 3000 F CFA par jour et par joueuse à un restaurateur officiant sur place, au stade du 4-Août. Même si notre interlocuteur soutien qu’avec 3000 F CFA par jour, les membres fédéraux ne pouvaient pas demander plus que cela. Et que ce sont les moyens dont ils disposaient, il ne faudrait pas perdre de vue que nous sommes au Burkina Faso. Combien de personnes arrivent-elles à dépenser 3 000 F CFA, par jour ? Pourquoi alors, avec 1 000 F CFA par repas, l’on ne pourrait donc pas avoir un repas digne de ce nom ? Pourquoi n’avoir alors pas tenté de rencontrer le traiteur pour résoudre le problème, ou tout simplement changer de traiteur ? Mystère et boules de gomme. Seydou Marcel Konkobo indiquera encore une fois que « pour ce qui est de la nourriture avariée et des fruits non mûrs ou pourris ce n’est pas la responsabilité de la Fédération». Qu’est-ce qui est alors de la responsabilité de la Fédé ? Tout de même ! « Ce n’est que lorsque nous les avons rencontrées au lendemain du match d’ouverture que nous avons effectivement appris qu’il y avait des problèmes de restauration qui se posaient. Nous leur avons demandé à savoir pourquoi elles n’en avaient pas parlé plus tôt à la fédération et elles nous ont fait savoir que les encadreurs avaient été saisis. Donc nous avons donné des instructions pour que cela se règle », a-t-il relaté. Rien n’ayant été fait allant dans le sens de l’amélioration de la qualité des repas ce, jusqu’à à la fin de la compétition, l’on se demande si réellement les problèmes rencontrés par ces filles avaient été pris au sérieux et si effectivement des solutions avaient été seulement envisagées.

 

Au secours, un médecin !

 

Jusqu’à quand devrions-nous continuer à tolérer une telle… négligence, serions-nous tenté de dire. D’autant que, même sur le plan sanitaire, plusieurs voix se sont élevées, tant au niveau des filles que des encadreurs pour critiquer et dénoncer la mauvaise organisation. Samiratou Ouédraogo, blessée avant même le début de la compétition (entorse au genou) raconte son calvaire : « Cela fait maintenant une semaine que je suis blessée. Ce n’est, en effet, que le premier jour du choc qu’on m’a prescrit des médicaments. Depuis, plus rien. Le médecin n’est passé que deux fois me voir». Doris Saré (équipe junior), victime d’une lésion des ligaments lors du 3e match de groupe, dénonce, elle aussi, le fait que le médecin ne soit pas sur place pour s’occuper de leurs blessures : « Il n’est venu que deux fois ». A ce sujet, le 2e responsable de la FBHB a expliqué que la fédération a une commission médicale qui a été saisie pour suivre les filles : « Maintenant en fonction de la période, il arrive que le médecin ne soit pas disponible pour être sur place avec elles. Si elles sont sur le terrain ou à l’entraînement les médecins viennent. Ce n’est que lorsqu’elles retournent en chambre, que le médecin n’est pas là. Mais je crois que si on a piqué un palu pendant la nuit et qu’on n’a pas pu avoir le médecin sur place, cela ne doit pas devenir dramatique». Cette information a été démentie par Natacha Séni: « Il n’y a pas de médecins à l’entrainement. Quant l’une d’entre nous se blesse à l’entraînement, ce sont les encadreurs qui s’occupent de nous ». Toute chose que Seydou Marcel Konkobo a trouvé tout a fait normale : « C’est vrai que les encadreurs ont aussi pris soin de certains malades, mais ce rôle n’est pas incompatible avec leur rôle d’encadreurs ». Concernant les blessées, il a affirmé qu’elles étaient et seraient prises en charge jusqu’à ce qu’elles soient guéries : « Dès lors qu’elles ont été prises en charge au début, elles le seront jusqu’à la fin ». En attendant, loin du faste qui a entouré ces 6es et 17es championnats d’Afrique de handball, les joueuses burkinabè ont au contraire vécu telles des orphelines, dans une totale indifférence, comparées à leurs adversaires, dans une « misère » indescriptible: elles ont connu un véritable calvaire. Nous osons cependant croire que la situation de ces dernières servira de leçons aux autres fédérations afin que toutes les dispositions soient prises pour mettre nos représentants dans les conditions optimales de compétition. Rien ne sert d’organiser des compétitions pour faire plaisir aux autres, bien au contraire. Cela y va aussi, au cas où vous l’auriez oublié, messieurs de la FBHB, de la qualité de nos athlètes et de leurs prestations, ainsi que de l’image de marque du pays. Il ne sert à rien d’abriter avec faste des compétitions si le minimum ne peut être assuré à ceux qui seront chargés de hisser haut le fanion de la Nation !

 

Par Philippe Bouélé BATIONO et Boukary OUEDRAOGO



05/09/2011
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