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GUENON: Le temps, seul médecin des cœurs meurtris

Le 2 mars 2012, Guénon, village situé dans la commune rurale de Tiébélé dans la province du  Nahouri a été plongé dans un conflit effroyable. Plus d’une dizaine de personnes ont trouvé la mort suite à une affaire de succession au trône du village. Le gouvernement burkinabè a pris la mesure de la situation en déployant depuis lors des éléments de la police nationale  pour sécuriser la zone. De plus, il a procédé,  par voie judiciaire,   à l’arrestation,  le dernier week-end du mois de juin 2012,  de douze  personnes, présumés auteurs de la tuerie.  Cinq mois après cette crise fratricide, nous avons séjourné à Guénon pour constater le climat qui y règne. La famille Liliou principale victime,  opposée à celle  des Akongba,  commence à rejoindre le village et à s’adonner aux travaux champêtresMalgré l’accalmie, les blessures des cœurs ne sont pas totalement cicatrisées. Mais, sur les lèvres de tout le monde, le vœu est que tout redevienne comme avant, un village où en dépit des problèmes inhérents à toute société humaine, règnent la paix et l’entente. 

 

Guénon, village situé à 220 km de la capitale Ouagadougou dans la province du Nahouri, en ce lundi 9 juillet 2012, est marqué par une forte  présence des éléments de la police nationale. Plus d’une quarantaine de policiers ont élu domicile dans cette petite bourgade du Burkina, qui  a connu le 2 mars 2012 une crise effroyable  ayant conduit à la tuerie de 12 personnes. Dans leur quartier général, les policiers,  quand ils ne sont pas en train de patrouiller, devisent sans trop faire de boucan. L’ambiance n’est pas détendue et tout visiteur qui franchit le seuil du village est  gagné par un ressentiment de peur. Pourtant, à l’entrée du village, des femmes vendent du dolo, la bière de mil locale. Non loin de là, quelques hommes s’adonnent aux travaux champêtres. Cinq mois après ce qu’il est convenu d’appeler «  la  tuerie de Guénon », nous sommes allés à la rencontre des deux familles opposées, Liliou et Akongba pour prendre le poul d’un village, à jamais marqué par le sceau d’un fratricide. Le conflit avait occasionné la fuite de plusieurs membres de la famille Liliou qui ont trouvé refuge au Ghana, en Côte d’Ivoire ou à l’intérieur du Burkina.

 

Plus de 400 personnes de retour à Guénon

Selon Kouzoupiou Salomon Liliou, le retour au village des membres de sa famille a été fortement favorisé par l’arrestation le 30 juin 2012, par la justice, de 12 personnes, présumés auteurs de la tuerie. Mais nombreux sont ceux qui sont toujours à l’extérieur, terrorisés  à jamais par les scènes effroyables qu’ils ont subies ou vues. Pourtant, confesse-t-il « nous avons compris que de personnes mal intentionnées ont semé la zizanie entre les deux familles. C’est cela, la réalité. Aujourd’hui, si  un Akongba vient chez nous, nous l’acceptons. » Ce sentiment de retour de la vie du village à la normale  est partagé par des vieux de la famille Akongba qui , assis derrière un grand baobab,  ne cachent guère leur désir de la paix. « Nous souhaitons nous réunir pour nous pardonner mutuellement. Il y a des sacrifices qu’il faut faire et toutes les malédictions seront conjurées  dans le village. C’est en ce moment que nous allons boire la même eau et manger dans le même plat », a souhaité Adouè Akongba. Ce vœu pieux, partagé par les uns et les autres est mis à rude épreuve par quelques sentiments douloureux du côté de la famille Liliou. « Ceux qui sont toujours en divagation  sont plus dangereux que ceux qui sont enfermés », a laissé entendre Kroubeba Wougousse. C’est dire que les plaies ne sont pas totalement cicatrisées.  Les femmes sont les principales victimes de cette situation, elles qui estiment avoir ont perdu le goût de la vie.

Refus de vente de marchandises à la famille Liliou ?

Pour une dame (dont nous taisons le nom par précaution), vendeuse de dolo, elle fait l’objet de provocations de la part de quelques individus du village. Celle qui dit  avoir été victime de vol de sa marmite, qui sert d’ustensile  pour préparer le dolo,  avoue ne pas avoir accès à tous les services du marché de Guénon. « On ne peut pas aller au marché pour boire le dolo. C’est pourquoi, nous le préparons nous-mêmes. Nous vendons chaque jour une marmite. Et c’est ceux de  Yacougnia (Ndlr. : un village situé à quelques encablures de Guénon) qui achetons notre boisson.  Nous achetons les condiments au marché mais, il arrive de fois que l’on nous refuse la vente de quelques articles.  Avant-hier (Ndlr. : samedi 7 juillet 2012), on ne m’a pas vendu ce que je voulais. Il s’agissait de la bouillie, du  riz et des condiments.  », nous a-t-elle confié. Pour nous convaincre de cela, une simulation d’achat de marchandises a été faite au marché du village par l’entremise de deux garnements. Fort heureusement, les deux personnes commissionnées au marché ont pu acheter, l’une du riz à la sauce et l’autre, des bonbons chez le seul épicier qui était au marché. Pour la famille Akongba, il n’y a pas de raison véritable qu’elle prenne de telles décisions. Aussi, a soutenu Adouè Akongba : « Quand ils racontent qu’on leur  refuse la marchandise au marché, cela est totalement faux. Nous ne sommes pas des marchands. Et le marchand veut tirer profit de son affaire. Il ne peut pas regarder la tête du client pour lui vendre sa  marchandise. L’argent est égal à  l’argent. Imaginer que ce soit nous qui interdisions aux commerçants de vendre de la marchandise aux Liliou, est-ce que les commerçants vont accepter ? Partout où il y a des tensions, les commerces  ne ferment pas totalement, même s’ils sont au ralenti.  Les Liliou racontent des histoires, notamment à travers  la presse, pour salir l’image de notre chef. » Une autre femme Liliou, assise sur un  tronc d’arbre à côté d’autres femmes décrit ses problèmes en ces termes : « Depuis que nous sommes revenues, nos camarades font comme si elles ne nous connaissent plus. Nous souffrons doublement.  Premièrement, nous avons tout perdu dans cette crise. Deuxièmement, nous souffrons sur le plan affectif. C’est parce que c’est notre propre village sinon,  nous allions nous débrouiller ailleurs. Nous sommes actuellement sans ami et faisons l’objet de calomnies dans le village. C’est la période des travaux champêtres, mais nous éprouvons des difficultés pour nous alimenter. Nous voulons la paix. Nous n’avons pas la force. Nous sommes prêts à  reprendre la vie d’avant. Maintenant, la balle est dans le camp de l’autre famille. Nous faisons suffisamment confiance à la justice qui doit juger les coupables. » Pendant qu’elle s’exprimait, sur le visage des autres femmes se lisait le désarroi. Pourtant, un enfant de moins de deux  ans s’amusait dans les bras d’une personne âgée qui s’efforçait de sourire avec lui.

Liliou et Akongba fumeront-ils  le calumet de la paix ?

Pour la famille Akongba, sa volonté d’une vie normale est ferme. A la question de savoir si elle menace de sortir pour exiger la libération du chef Louka Akongba, la réponse est ferme : « Nous ne pouvons pas donner de délais au gouvernement. La loi est la loi et elle fait son travail. Ce n’est pas possible. Nous souhaitons tout de même que le chef Louka Akongba revienne  parmi nous même si nous ne savons. Par rapport à notre déplacement sur Tiébélé, ce n’était pas pour  protester contre l’arrestation du chef, mais pour informer le chef de la localité  de  ce qui est arrivé au chef Louka. Nous n’avons insulté personne ni créé  de problèmes  à quiconque. Dieu merci, lors de ce passage à Tiébélé, nous avons rencontré le haut-commissaire de la province  qui nous écoutés longuement. Entre nous les personnes âgées, le conflit est terminé. Mais, nous ne sommes pas dans le cœur des gens pour savoir. La peur dont parlent les Liliou est normale. D’ailleurs, tout le monde se méfie, car on ne sait ce qui peut arriver. » La famille Liliou se sentant toujours faible, car minoritaire, se remet entre les mains de l’Etat. Kroubeba Wougousse, sceptique , confie : « Il faut reconnaître que c’est grâce à la sécurité que nous avons eu le courage de revenir, de semer, de cultiver et  d’espérer récolter en fin de saison pluvieuse. Il y a certaines personnes qui  croient que nous avons payé les   policiers pour qu’ils  soient là.  Alors que c’est l’Etat qui les a envoyés pour assurer la sécurité. Nos adversaires ont dit qu’ils sont plus nombreux que la sécurité. Selon des informations qui nous sont parvenues, l’autre famille (Nldr : Akongba)  dit ne pas craindre la police qui est en nombre très réduit. Ils disent que si la police bouge, nous aurons chaud. » Mais, ces sentiments doivent-ils durer plus  longtemps ?

Bientôt, après la saison pluvieuse, au mois d’octobre, les enfants reprendront la route de l’école. Qu’ils soient de la famille Liliou ou de celle d’Akongba, ils seront obligés de suivre les mêmes cours, de boire de la fontaine à la recréation et d’aller dans les mêmes toilettes. Les hommes et les femmes fréquenteront le dispensaire du village.  Ils seront, de fois,  hospitalisés    dans la même salle. Les filles et les garçons à un certain âge se voueront amitié et amour. Les habitants de Guénon ne pourront pas continuer dans une vie de méfiance sempiternelle. Le rêve  d’une vie d’amour et de paix se  lisait dans les  regards de villageois plein de regret.

 

RHO





11/07/2012
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