CONDAMNATION DE CHARLES TAYLOR: En attendant ses parrains…
Ouvert le 4 juin 2007 en Sierra Leone, devant le tribunal spécial pour la Sierra Leone, le procès de l’ex- chef d’Etat libérien, Charles Taylor, a renoué avec l’actualité hier par la énième comparution de celui qui croupit sous le poids de 11 chefs d’inculpation dans sa prison de la Haye. Condamné pour crime de guerre, crime contre l’humanité (meurtres, violences sexuelles et pillages,) Charles Taylor, 64 ans, est le premier ex-chef d’Etat à être condamné par « l’institution de Rome ». Après l’arrestation donc de « l’ex- parrain tout puissant » du Front révolutionnaire uni (RUF) en 2006 au Nigeria, des applaudissements avaient été nourris de partout sans pour autant étouffer la peur des complices et autres acolytes de Charles Taylor qui aura fait un palmarès des plus lugubres en étant le commanditaire d’une guerre civile qui a fait plus de 120 000 morts entre 1991 et 2001. Charles Taylor, on le saura le 30 mai prochain, se trouve sur la menace d’une condamnation à une peine d’emprisonnement à vie. Mais qu’on le fasse passer sous la potence ou qu’on le crucifie, tout cela pourra-t-il apaiser le cœur des victimes et des millions de personnes ayant été rudement affectées par cette « guerre du diamant rouge » ? In concreto, quel enjeu ce procès revêt-il ? On se serait seulement passé dans la tête les images et vidéos horribles de la guerre civile qu’on mesurerait mieux le symbole de cette condamnation. Mais hélas, le brouillard de critiques de partialité contre la CPI, savamment entretenu par ceux qui ont intérêt à ce que l’institution soit décrédibilisée pour qu’ils échappent à ses mailles, aura tout fait pour occulter la noblesse d’un procès contre celui qui a sacrifié des milliers de vies sur l’autel de sa cupidité et de sa soif du pouvoir. Faux fuyants, dilations et diversions autour de la partialité du caractère néocolonialiste de la CPI ont subtilement concouru à protéger des loups qui n’ont daigné éprouver de respect pour leur peuple. Il est tant que l’on applaudisse et fort les actions plutôt que de toujours verser dans le complexe colonialiste et d’infériorité pour disculper des dirigeants qui ont plus desservit que servit la cause de leur peuple. En allant dans le sens de ceux qui prétendent que l’institution de Rome n’inculpe que des dirigeants africains, on peut, dans ce débat sans intérêt pour la masse africaine, se demander pourquoi Georges Walker Bush n’est pas poursuivi pour les atrocités en Irak ? Pourquoi Laurent Gbagbo doit suivre les traces de son voisin Charles Taylor et pourquoi El-Béchir marche sur la pointe des pieds pour éviter de tomber dans le filet de la CPI ? Toutes ces questions sont fondées, mais intéressent peu les victimes des cas d’exactions ourdies par ceux qui croupissent devant la Cour pénale internationale. Si la CPI ne poursuit pas, qui poursuivra ? L’Afrique a-t-elle les moyens de son autonomie judiciaire ? Si on avait des réponses pertinentes à ces questions l’affaire Hissène Habré ne serait pas toujours au point mort. Alors, il faudra faire un choix entre, d’une part, le débat passionné sur la « partialité et la non crédibilité » de la CPI, pendant que les dirigeants africains ou plutôt les « empereurs baroques » vendent impunément la peau, la laine et, le sang de leurs populations et d’autre part, la nécessité d’un glaive international puissant qui sanctionne avec rigueur des dirigeants qui se rendent coupables de crimes graves. C’est dans ce sens qu’il faut voir en cet instrument international un bouclier de protection des populations civiles en Afrique. Elle n’est pas faite pour réprimer des civils innocents, mais pour les dirigeants qui circulent méchamment dans des Bulldozer de mort. Le 30 mai 2012 sera un grand jour pour les victimes mortes ou vivantes de cette guerre en Sierra Léone. Pour Corroma (1), enfant soldat à 12 ans devenu monstre par le fait de l’enrôlement forcé, pour Civilian (1)11 ans qui ne sait plus rien faire que de couper des mains et décapiter, un soleil s’est levé mais ils espèrent que ce soleil continuera bien son chemin pour que d’autres personnes citées dans cette affaire soient entendues. Notamment Georges Bush et le réseau Kadhafiste de l’Afrique de l’ouest, toujours parrain des pratiques déstabilisatrices des Etats. Pour le procureur général près le tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) Brenda Hollis cette condamnation de Charles Taylor est un soulagement important pour les victimes. Soit ! Mais ce que Hollis n’a pas dit, c’est que Charles Taylor n’a pas planifié, torturés et exécuté les plus de 120 000 personnes seul. Taylor a voulu régné en maitre sur une zone, le Libéria dont il était président et la Sierra Léone où il voulait avoir un contrôle absolu du pays très riche en diamant ; tout ceci aurait été difficile s’il n’avait pas bénéficié de la connivence de certains Sierra Léonais. Ses Sierra Léonais doivent être punis pour l’intérêt de la justice et de la réconciliation véritable. Cependant, tout cela sera vain si les dirigeants qui ont financé sous table, formé et équipé les criminels de sang ne sont pas entendus et punis. C’est à ce pris que la leçon sera complète. Autrement, elle sera tronquée, biaisée et n’en sera pas vraiment pas une pour l’humanité.
Par Roger Kabré
(1) Cités par Xavier Verschave dans « Noir Silence »
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