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AFFRONTEMENTS ENTRE DOGONS ET PEUHLS A LA FRONTIERE BURKINA/ MALI: Des personnes brûlées vifs : le nombre de morts ne cesse d’accroître

Maisons d’habitation incendiées, des personnes égorgées, de nombreux réfugiés, des habitants en fuite…Tel est le constat qui se dégage à Sari, petit village situé à 15 m au-delà de la frontière qui sépare le Burkina et le Mali.  En effet, cette localité, depuis le 22 mai 2012, est le théâtre d’affrontements meurtriers  entre les Dogons maliens et les Peulhs d’origine burkinabè. A l’origine, une histoire montée et provoquée autour d’un puits.

 

Une chasse à l’homme menée depuis le 22 mai 2012 par la population dogon contre la communauté peulh dans le village de Sari au Mali, a occasionné, selon les premières estimations, la mort de plus d’une trentaine de personnes, d’innombrables blessés répartis entre des centres hospitaliers à Titao dans le Lorum et à Ouahigouya, chef-lieu de la région du Nord, tandis que près d’un millier d’autres personnes en fuite, migraient vers l’autre côté de la frontière, c'est-à-dire, au Burkina. Il faut surtout retenir que les victimes sont tous de l’ethnie peulh, d’origine burkinabè. Mais, aux dernières nouvelles, d’après Boukari Barry, maire de la commune rurale de Bahn, située au sud de Ouahigouya, et dont certains villages servent désormais de sites d’accueil pour les déplacés, les fuyards dépassent finalement même plus de 1000 personnes, alors que tous les jours, ceux qui viennent de l’autre côté
rapportent toujours de nouveaux cas de tueries. Donc, le nombre de déplacés et de macchabées ne cessent d’accroître, au point qu’une certaine version veut que le nombre des personnes tuées avoisine la demi-centaine, voire plus.

 

Parmi les déplacés, des femmes et des enfants qui ont été épargnés, de
justesse, par les bourreaux dogons

 

La furie des Dogons s’est exprimée par des exactions des plus inhumaines. Cela se passe carrément comme une épuration ethnique qui prend souvent la forme d’un holocauste où, à côté des exécutions par armes à feu et armes blanches, l’on brûle vif des personnes. Le chef de la communauté peulh, lui, a été tué de la sorte avec toute sa famille, dans leur maison. Excepté l’épouse du chef. Cette dernière a été faite prisonnière par ses bourreaux.

Le problème remonte à 2002 où la cohabitation entre éleveurs d’origine burkinabè, des Peulhs, mais qui sont installés au Mali depuis des lustres, et agriculteurs maliens, des Dogon, commençait à se faire difficile. En son temps, l’Etat malien avait essayé de délimiter la zone de transhumance à travers  des
arbres qui ont été peints à cet effet. Et suite au litige foncier qui les opposait depuis cette date,  Dogons et Peulhs ont dû à maintes reprises s’en remettre à la justice pour trancher. Pour  des questions de transhumance ou de source d’eau, la justice  tranchait en faveur des Dogons ou des Peulhs. Les deux parties cohabitaient donc,  malgré leurs divergences, dans le calme, surtout que des autorités locales comme le commandant de cercle à Mopti, veillaient au grain. Toute chose qui n’est plus le cas depuis que la crise malienne a éclaté.

 

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase

 

Mais quelle est donc la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ? Pour comprendre, nous avons rencontré l’un des témoins  peulhs actuellement hospitalisé au Centre hospitalier régional de Ouahigouya. D’ailleurs, tout serait parti de lui. Assis sur son lit d’hôpital, le regard vide et pensif, et
assisté de son frère aîné, Boukary Barry, c’est difficilement  que Mikaïlou Barry relate les faits qu’il considère comme les effets d’une bombe à retardement. Son corps est truffé de plusieurs tâches noires qui représentent les impacts de balles reçues. Le berger raconte que tout est parti le 22 mai
dernier quand les Dogons ont barricadé l’un des deux puits du village, leur interdisant ainsi l’accès à l’eau. Ce jour-là, après avoir  promené ses moutons, Mikaïlou Barry se rendit au  niveau du puits, dans l’intention d’abreuver son troupeau. C’est ainsi qu’il trouva le puits complètement barricadé, autour duquel se trouvaient des Dogons, au nombre de trois, qui étaient prêts à tout pour faire respecter leur loi à eux. Tout de suite, les deux parties s’élancèrent dans des discussions et la tension ne tarda pas à  monter. Et dans cette situation, c’est le berger qui sortit son arme le premier et tira sur les Dogons.

                                                               

Certains refugiés ont eu la chance d’être
accueillis par des familles burkinabè

 

Mais malheur pour lui, son fusil ne contenait que deux balles, qui ratèrent en plus leurs cibles. La riposte ne se fit pas attendre. Les Dogons le rouèrent de plusieurs coups  de balles, avant de le lyncher. Alertés, les Peulhs tentèrent de donner la réplique, mais se retrouvèrent face à des Dogons bien armés et en nombre supérieur. Les Peulhs subirent tout simplement la foudre des agriculteurs. Ces derniers sont résolus à massacrer les éleveurs et les chasser définitivement de Sari. C’est ainsi que les Dogons traquèrent tous les hommes valides et épargnèrent, seulement de
justesse, les femmes et les enfants. Laissé pour mort, Mikaïlou Barry, lui, aura la vie sauve grâce à son frère, Boukary qui, aidé d’autres personnes, a pu le conduire  au CHR de Ouahigouya où il est admis depuis le mercredi 23 mai. L’homme dit avoir les nouvelles de sa famille, sa femme et ses enfants, qui se trouvent à Bahn. Nous avons  rencontré une autre victime des affrontements, hospitalisée au CHR de Ouahigouya, depuis le 24 mai dernier. Comme Mikaïlou Barry, Fatouma Maïga a reçu des balles de fusil. Elle rassure qu’elle se remet de ses blessures même si par moments des grimaces viennent rappeler qu’elle ressent toujours des douleurs. Bahn est cette commune rurale burkinabè, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière, et qui reçoit les déplacés de cette crise. Là-bas, quatre villages différents servent de sites d’accueil pour les refugiés. Celui des sites qui regroupe le nombre le plus élevé des déplacés est Djemgè. Nombre de rescapés peulhs  n’en
reviennent toujours pas.  Un vieillard, de près de 70 ans, a même coulé des larmes. De mémoire de vieillard, il reconnaît n’avoir jamais vu une scène aussi atroce. Beaucoup parmi eux sont restés, depuis, sans nouvelles de leurs familles. Sur les sites d’accueil, la situation est telle que des familles de ces villages, par solidarité, mais à la limite de leurs moyens, hébergent et donnent à manger à certaines familles. Mais, même si les services de l’action sociale burkinabè et des services infirmiers sont sur le terrain, il n’en demeure pas moins que d’innombrables familles, dont femmes et enfants, sont sans abris, dorment à la belle étoile, sans nourriture, des besoins sanitaires qui débordent les infirmiers sur place.

 

Signalons, par ailleurs, que depuis le 24 mai, un contingent militaire burkinabè a pris position au niveau de la frontière et sur les sites d’accueil. Histoire de sécuriser ceux qui traversent la frontière pour le Burkina.

 

Des raisons inavouées, Ansar Dine aux aguets

 

Au-delà des premières raisons évoquées, il y aurait une autre, cependant méconnue, selon des fuyards. Celle-ci se rapporte à la situation au Nord et à l’intérieur même du Mali. Et du fait que certains Maliens s’opposent à la médiation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), médiation menée par le Burkina, le Burkinabè se trouve souvent indésirable dans ce pays (le Mali). D’ailleurs, selon certaines personnes, une faction du groupe islamiste rebelle au nord du Mali, Ansar Dine, serait dans un village tout proche de Sari. Les premiers moments qui ont suivi le déclenchement de la crise, des rebelles seraient venus une nuit dans la localité pour exiger que
tous ses habitants évacuent les lieux, avant de disparaitre dans la nature. La presse, dans son ensemble, suit de près ce qui se passe de ce côté de la frontière burkinabè. Jean-Victor Ouédraogo, que nous avons rencontré à Ouahigouya, un des premiers journalistes à se rendre sur les lieux, semblait toujours être sous le choc occasionné par ce qu’il a vu et entendu. Notre confère nous a aussi raconté que quand les Dogons ont encerclé le village et ont commencé à tuer les Peulhs, ceux qui étaient à l’intérieur ne pouvaient pas sortir, et ceux qui étaient à l’extérieur ne pouvaient pas non plus venir au  secours des autres. Mais combien est difficile le travail du journaliste dans cette zone, tant il est désormais interdit de traverser la frontière, au risque de se confronter aux guerriers dogons. Et d’après nos confrères de Ouahigouya, même si vous accédez à l’autre côté de la frontière, il vous est strictement interdit de rebrousser chemin. Vous êtes obligé d’avancer à l’intérieur du Mali proprement dit, pour ensuite retourner au Burkina par une autre localité frontalière.

Notons enfin, qu’à la suite de la visite du gouverneur de la région du Nord, une délégation gouvernementale s’est rendue sur les sites qui accueillent les déplacés le dimanche 27 mai dernier. Nous y reviendront.

 

LFS etACG



28/05/2012
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