PAUL PUT: "Les juniors et les locaux ne sont pas prêts"
Arrivé à la tête des Etalons, le 1er avril 2012, suite à une signature de contrat le 23 mars de la même année, en remplacement du Portugais Paulo Duarte, Paul Put, puisque c’est de lui qu’il s’agit n’a pas été épargné par les critiques, notamment pour son implication dans une affaire de matches truqués alors qu’il officiait dans son pays natal, la Belgique et aussi pour n’avoir pas pu qualifier la Gambie pour la CAN 2012, freinée par le Burkina. Mais, aujourd’hui, après le parcours exceptionnel et historique des Etalons au rendez-vous sud-africain où ils ont finis vice-champions, derrière le Nigeria, Paul Put a gagné l’estime et le respect de nombre de Burkinabè. Dans l’interview exclusive qu’il nous a accordée, le mercredi 20 février dernier, dans un hôtel de Ouagadougou, l’homme revient sur le parcours en Afrique du Sud, la finale perdue face au Nigeria, la place des locaux et des jeunes joueurs dans son équipe, ses rapports avec ses employeurs, les éliminatoires du mondial 2014, le championnat national, ses projets…
Le Quotidien : Votre nomination à la tête des Etalons le 23 mars 2012 (la prise de fonction est intervenue le 1er avril 2012) n’a pas été accueillie favorablement dans certains milieux, notamment celui des supporters. Avec le parcours exceptionnel réalisé à la CAN 2013, comment appréhendez-vous vos rapports actuels avec les Burkinabè ?
Paul Put : Que doit-on prouver dans sa vie pour être sélectionneur du Burkina ? J’ai prouvé beaucoup de choses en Belgique. J’ai été meilleur entraîneur en Belgique. Je ne suis jamais arrivé comme cela sans résultats. J’ai été à la tête d’une équipe moyenne en Coupe de l’UEFA contre Manchester, Newcastle, Stuttgart… Ce n’est pas n’importe qui, qui a fait cela. Je suis monté avec des équipes en première division, j’ai disputé la finale de Coupe en Belgique, j’ai joué des demi-finales de Coupe à 4 reprises en Belgique. Je pense que c’est déjà quelque chose comme preuves. Ensuite, je suis parti en Gambie. Là-bas, j’ai écrit l’histoire et on m’a décoré. C’était la fête et je n’ai jamais perdu de match pendant 4 ans. Alors qu’est-ce que j’avais à prouver de plus ?
Je n’ai rien compris de ce que les gens ont raconté au début. Je ne sais pas s’ils étaient mal informés. C’est comme les journalistes qui n’ont pas vérifié ce que j’ai réalisé dans ma carrière. Mais, il y a une autre manière de voir les choses et maintenant on a compris qui est Paul Put.
Durant la CAN, vous n’avez presque jamais aligné la même équipe de suite. A chaque rencontre, on voyait pratiquement un nouveau Onze de départ. Qu’est-ce qui explique cela ?
C’est purement tactique. Chaque entraineur a sa tactique. J’ai fait venir un médecin de la Belgique pour vérifier quotidiennement l’état de santé de chaque joueur au niveau de la condition physique, au niveau de la récupération… Il faut prendre des décisions, analyser l’adversaire. Il faut chaque fois chercher à savoir comment mieux attaquer l’adversaire. C’est cela qu’on a fait, ni plus ni moins.
Quand l’équipe nationale allait à la CAN, personne ne misait sur un tel parcours ni même la plupart des Burkinabè ne pensait pas la voir aller aussi loin dans la compétition ce, au regard des résultats des précédentes CAN. Comment expliquez-vous ce parcours ?
C’est la manière de travailler. Quand je suis venu, nous avons essayé de jouer d’une autre manière en nous portant plus sur l’attaque. Au fur et à mesure qu’on a joué, les joueurs ont pris de la confiance. Mais, cela demandait plus de temps parce qu’ils n’étaient pas habitués. Il y a aussi eu l’approche. Mais pour savoir ce qui a changé dans le coaching, c’est une question à poser aux joueurs parce qu’il m’est difficile de dire ce que j’ai changé. Je crois que ce que j’ai changé, c’est au niveau des entrainements, de l’approche et de la préparation. Et aussi peut-être sur le plan tactique et technique, je ne sais pas trop, mais nous avons fourni beaucoup d’efforts pour former un groupe. Maintenant, nous avons un groupe qui est fort, qui est animé d’une bonne volonté et qui veut jouer pour le pays. Nous avons passé 40 jours ensemble et nous n’avons eu aucun problème, cela veut dire beaucoup de choses.
« Si on a perdu un point, ce n’est pas ma faute.
Aujourd’hui, je ne prends pas la Coupe du monde comme priorité »
Nous avons constaté que l’un des changements les plus visibles se situe au niveau du mental, notamment lors du dernier match qualificatif contre la Centrafrique et durant la CAN. Quel discours faites-vous à vos joueurs avant, pendant et après chaque match ?
Je ne suis pas d’accord ! Parce que contre le Congo aussi à domicile (premier match comptant pour les éliminatoires du Mondial 2014, le 31 mai 2012), nous avons tout fait. Mais, il faut avoir aussi la chance. Car, nous avons mis la pression et joué 45 minutes dans les 16 mètres du Congo. Nous n’avons pas marqué et c’est le football. Mais, ils ont également montré la volonté et la mentalité pour gagner. Ensuite, nous avons joué le Gabon, mais malheureusement nous avons perdu. Mais là également, nous avons fait tout notre possible jusqu’à la dernière minute et raté quelques occasions.
En résumé, ce n’est pas seulement le mental, mais aussi la manière de jouer. Nous avons mis en place un autre type de jeu. C’est avec cette manière de jouer que les joueurs
sont allés à la CAN.
Contrairement aux cinq matches précédents, l’équipe a abordé différemment la finale contre le Nigeria alors que c’était un match où il n’y avait pas de place pour les calculs. Etait-ce également une tactique ?
Nous avons joué tous les matches avec une tactique différente. La finale contre le Nigeria, nous avons joué pour avoir un résultat de 1 à 0. Il y avait beaucoup d’attaquants dans l’équipe. Si on a joué avec Bancé, Pitroïpa, Préjuce, Charles en numéro dix, c’était pour attaquer. Mais, on a été crispé. Egalement, après le match contre le Ghana, nous sommes rentrés à deux heures du matin, à l’hôtel. Nous avons quitté l’hôtel à huit heures (8 h), mais nous avons été retardés à l’aéroport jusqu’à vingt deux heures (22 h). Nous sommes arrivés à Johannesburg à deux heures du matin (2 h). Cela veut dire que nous n’avons pas fait un dégraissage. Nous n’avons pas pu faire ce que nous devrions faire. Le deuxième jour, tout le monde était déjà en groupe. Il y a aussi la fatigue parce que
nous avons joué deux fois les prolongations, à dix contre onze. Ça aussi ça compte.
En deuxième mi-temps, j’ai demandé aux joueurs de jouer libérés. Et je pense qu’en deuxième
mi-temps, nous avons mérité d’égaliser. Mais, il faut aussi être honnête, le Nigeria n’est pas une petite équipe, c’est une grande équipe.
Dans votre liste des 23, contrairement à des pays comme le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Ghana… qui comptent pourtant plus de professionnels, il n’y avait aucun joueur local. Comment expliquez-vous cela ?
Vous me cherchez des histoires ? Je suis régulièrement le championnat national. Je trouve qu’il y a des talents, mais ils ne sont pas prêts. J’ai convoqué beaucoup de joueurs locaux pendant les autres matches. Il faut aussi donner de la patience aux joueurs. Ce n’est pas pour faire des critiques, mais le championnat ne fait pas tellement honneur. Alors si tu dois jouer des compétitions contre les grandes
équipes comme le Nigeria…, c’est difficile. C’est pourquoi, j’ai choisi des joueurs qui sont expérimentés, qui sont en compétition et qui jouent.
Est-ce donc à dire que pour les prochains matches, on peut s’attendre à voir des joueurs locaux intégrer l’équipe ?
C’est toi qui l’as dit. Ce n’est pas moi !
Après le parcours à la CAN 2013, le sélectionneur belge
des Etalons, Paul Put, a gagné le cœur des Burkinabè
Qu’en est-il des équipes cadette et junior qui regorgent de bons joueurs dont certains évoluent dans de grands clubs européens. Pensez-vous à intégrer progressivement ces derniers dans l’équipe senior ?
Où évoluent ces joueurs (avec un ton colérique) ?
Valenciennes, Sporting Braga, Toulouse…
(toujours sur le même ton) Est-ce qu’ils jouent en équipe première ? Combien de matches ont-ils
joué ? Que veux-tu me dire ? Que je ne suis pas les joueurs ou quoi ?
Ma question a été claire. J’ai demandé à savoir si on pouvait s’attendre à voir ces jeunes joueurs intégrer très prochainement l’équipe première.
Toute chose à son temps. Il y a beaucoup de ces joueurs qui jouent dans la réserve. La réserve n’est pas une compétition. Il faut bien comprendre. On ne peut pas se baser sur cette compétition pour dire que des joueurs sont prêts à évoluer au haut niveau. Si vous devez jouer contre des équipes comme le Nigeria, la Zambie… qui sont de grandes équipes… Il faut toujours comparer les bananes avec les
bananes, les pommes avec les pommes. Ce sont des jeunes. On suit les jeunes et on va les convoquer travailler avec eux ainsi qu’avec les locaux et on verra. C’est déjà un bon signal qu’ils soient ailleurs pour se développer. Maintenant, c’est à eux de prouver dans leur club qu’ils sont prêts. Ensuite, on va voir ce qu’on peut faire. Mais, actuellement ils ne sont pas prêts. J’ai vu les joueurs, les locaux, les juniors. Mais, s’ils ne sont pas prêts, ils ne sont pas prêts ! Mais, ça va venir. Il faut être patient, il faut patienter. Nous avons des talents et on verra.
La Coupe d’Afrique est passée et le Burkina a fait un excellent résultat en atteignant pour la première fois de son histoire la finale d’une CAN et en terminant vice-champion. Place maintenant aux éliminatoires de la Coupe du monde 2014. Avec 0 points en deux matches, comment envisagez-vous les prochains matches, notamment celui du 22 mars contre le Niger ?
Nous allons tout faire pour avoir de bons résultats. Il nous reste 4 matches et nous allons voir
comment les aborder. Il reste 12 points à prendre et nous allons voir comment faire, surtout que les autres vont prendre aussi des points. Donc, ça dépend. Nous avons deux matches à domicile et deux matches à l’extérieur. Tout est encore possible. Ce n’est pas facile, ça c’est sûr. Mais nous allons faire notre possible pour jouer ces quatre matches et faire un bon résultat.
La qualification pour la Coupe du monde Brésil 2014 brésilien est-elle une priorité pour vous ?
Si on a perdu un point, ce n’est pas ma faute. Aujourd’hui, je ne prends pas la Coupe du monde
comme priorité. On m’a dit que la priorité était de qualifier l’équipe pour le second tour de la CAN. On a qualifié l’équipe. Maintenant, on est en confiance. Mais, nous ne sommes pas encore arrivés, parce qu’il y a encore un gros travail à faire. Nous devons aussi voir pour le futur du football burkinabè. Et ce n’est pas la Coupe du monde qui décidera. Il faut continuer à travailler. Ce n’est pas seulement l’entraineur principal, les autres entraineurs aussi doivent continuer à travailler. Il faut commencer avec une équipe de 13 ans. Il faut développer le football et après on verra. Donc, si on devait se qualifier pour la Coupe du monde, ce serait un bonus.
Quels sont vos rapports avec le ministère des Sports et de Loisirs et la Fédération burkinabè de football ?
Nous devons encore professionnaliser beaucoup de choses. J’en ai déjà un peu parlé avec le président du Faso. Nous allons faire bientôt une réunion avec le ministre des Sports et des Loisirs et avec le président de la FBF durant laquelle je vais donner mon avis sur le développement du football burkinabè. Mais, ce sera à eux de décider. Sinon, il y a encore beaucoup de choses à faire à tous les niveaux. Je pense que nous sommes sur le bon chemin, avec ce qu’on nous avons réalisé à la CAN. Il faut le faire pour être au même niveau que le Nigeria et les autres. La confirmation, c’est le plus difficile au niveau du football.
Vous avez suivi plusieurs matches du dernier championnat national. En tant que
technicien, comment avez-vous trouvé le niveau ?
Ce n’est pas le plus haut championnat, c’est la réalité. Je vois qu’il y a des talents. Et comme on l’a dit, il y a des jeunes qui sont partis ailleurs. Et c’est là-bas qu’ils doivent se développer. Mais, ce n’est pas facile, ça prend du temps. Mais, je pense que le plus important est de travailler sur la base avec des équipes de 13 ans, 15 ans, 17 ans. C’est le plus important. Il faut travailler régulièrement avec les gens et que tu joues des matches internationaux, sinon on ne peut jamais développer le football de son pays. On ne peut pas jouer que des matches locaux, c’est impossible ! Il faut regarder ce que le Ghana a fait il y a sept (7) ans, le Nigeria, le Sénégal… Ils ont tout changé du point de vue du football. Cela a apporté beaucoup de choses. C’est en cela qu’il est important de travailler avec les jeunes et aussi disputer des matches amicaux au niveau international.
Comment avez-vous vécu l’accueil que le peuple burkinabè vous a réservé à vous et aux joueurs ?
C’était exceptionnel ! J’avais vécu la même chose en Gambie quand nous avons éliminé le Sénégal au match retour (un match nul 1-1 à Dakar comptant pour les éliminatoires de la CAN 2010, ndlr). J’étais vraiment étonné de voir tout le monde, les supporters crier derrière les Etalons, l’accueil, la fête… tout le monde heureux et content. Tu fais ton boulot pour voir les gens heureux. Ça m’a fait un grand plaisir aussi parce que le président du Faso était heureux et content. C’était pareil à Bobo. Ce fut un grand accueil.
Quels sont vos projets ?
Nous devons préparer le match contre le Niger, en début de semaine prochaine. Je vais partir en Belgique pour une semaine pour faire l’analyse vidéo des Nigériens. Ensuite, on va voir les joueurs, ceux qui sont blessés, ceux qui sont en condition.
Après, on fera tout pour contacter les joueurs. Le match contre le Niger est important parce qu’on est vice-champion et toutes les équipes voudront nous battre. Ce ne sera pas facile. Je crois que ça va aller. Mais, il y a encore du travail à faire à partir de la semaine prochaine parce que jusqu’à maintenant, c’est toujours les salutations, les interviews et les protocoles officiels.
Pour votre première participation à une CAN, vous terminez vice-champion. Avec le recul, comment analysez-vous ce parcours ?
Ça été une expérience pour moi, parce que c’était la première fois que je participais à une CAN. J’ai appris beaucoup de choses, au niveau de la pression, de la préparation. Mais, je me suis donné à 500% du matin jusqu’à la nuit, chaque jour. Une fois qu’on a été à la CAN, on veut toujours y être et arriver en finale. C’est quelque chose d’exceptionnel. Ça donne un sentiment incroyable. Je n’ai pas les mots pour l’expliquer. Quand on entrait sur le terrain, les supporters étaient là. Ce n’est pas parce que le Burkina est arrivé en finale, mais parce qu’ils ont joué avec une manière, avec un flair qui ont été appréciés par beaucoup de gens et on l’a vu dans les stades. On doit être fier de cela,
car ça veut dire qu’on a prouvé quelque chose.
Peut-on parler de satisfaction personnelle pour vous ?
Oui bien sûr parce que pour qualifier l’équipe, c’était difficile. On a dû attendre jusque dans les dernières secondes. Il a eu beaucoup de pression chez l’entraineur avec ce qui s’est passé comme tu l’as souligné au début. C’était une grande satisfaction. Après, on a dit que si on peut gagner un match à la CAN ou faire un bon résultat, c’est déjà bien. Alors, on a fait tout notre possible. J’avais aussi dit aux joueurs que si on passait le premier tour, on irait en finale. Et c’est ce qui s’est passé. C’est
donc une grande satisfaction.
Interview réalisée par Philippe Bouélé BATIONO
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