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ELECTIONS COUPLEES 2012 Victoire, constance et défaite des partis politiques: Les causes

Ça y est ! Après une semaine de patience parsemée d’angoisses, tous les résultats provisoires des élections législatives et municipales couplées du 2 décembre 2012 ont enfin été livrés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). En attendant d’éventuels recours et réclamations auprès du Conseil constitutionnel –seul organisme habilité à valider les scrutins, notamment législatif-, conformément à l’article 199 du code électoral, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) s’en tire avec 70 députés, la majorité absolue, suivi du nouveau venu dans l’arène politique nationale, l’Union pour le progrès et le changement (UPC) de Zéphirin Diabré, par ailleurs nouveau chef de file de l’opposition avec 19 députés et de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF-RDA), 18 députés. Si pour ces partis, la moisson pourrait-être qualifiée de bonne, pour d’autres au contraire, en l’occurrence l’Union pour la renaissance/parti sankariste (UNIR/PS) et le Parti pour la démocratie et le socialisme/Parti des bâtisseurs (PDS/Metba), ces législatives auront été une grande désillusion.


La tenue des élections législatives et municipales couplées du 2 décembre 2012 constituait un véritable test pour la jeune démocratie burkinabè, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et son président Me Barthélemy Kéré, mais aussi pour l’ensemble de la classe politique nationale. En effet, après la bouderie de la présidentielle de novembre 2010 et les événements dramatiques de 2011, il était donc difficile, voire impossible de prévoir le comportement des Burkinabè. Mais au final, il y a eu plus de peur que de mal étant entendu que les scrutins jumelés ont connu une forte participation : 4 365 153 d’électeurs inscrits (4 365 202 pour les municipales), 3 315 795 votants (3 287 090) pour un suffrage exprimé de 3 016 379 (3 074917).  Le constat qui est fait au regard de ces chiffres est qu’en dépit de quelques insuffisances –ouverture tardive de certains bureaux de vote, disparitions d’urnes, bureaux de vote fictifs, etc.- dues peut-être au fait que le pays des hommes intègres expérimentait pour la toute première fois de son histoire le jumelage de scrutins, la CENI aura globalement réussi son pari d’offrir des élections transparentes et crédibles. Toutes choses qui ont, à coup sûr, amené les Burkinabè à avoir de nouveau confiance au processus électoral et à reprendre goût aux élections et à la chose politique.

Cela a eu pour corollaires un fort taux de participation (75, 96% pour les législatives et 75, 3% pour les municipales) et surtout permis à de nombreux partis politiques de se lancer dans la conquête des 127 sièges de l’hémicycle et des postes de conseillers dans les 367 communes. Aussi, cette situation a permis de voir éclore des partis politiques, de confirmer pour certains, tandis que ce fut la désillusion pour d’autres.

 

CDP, plus de peur que de mal

L’enchaînement de certains événements tels que la crise socio-politico-militaire de 2011, les différents mouvements sociaux et la mise à l’écart de certains poids lourds du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), à l’image de Simon Compaoré, Salif Diallo, Roch Marc Christian Kaboré… lors du 5e congrès du parti, tenu en mars 2012, avait considérablement affaibli le parti majoritaire si fait que son image, pour ne pas dire sa popularité en était fortement affectée. La baisse de sa côte de popularité était telle que très peu de Burkinabè, y compris les exégètes de la chose politique ne vendaient pas cher la peau du nouveau secrétariat exécutif national dirigé par Assimi Kouanda. Ainsi, d’aucuns n’ont pas hésité à mettre en doute la capacité de la nouvelle équipe à mobiliser, donc à offrir ou à confirmer la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Mais à l’arrivée, la jeune garde du parti au pouvoir est parvenue à conserver sa majorité  absolue avec 70 sièges sur 127 possibles et à arracher 12 340 postes de conseillers sur les  367 communes que compte le Burkina.  Plus de peur que de mal, pourrait-on dire. Malgré tout, force est de reconnaître que “cette victoire“ est loin d’être du goût des CDpistes très confiants, qui n’ont jamais caché leurs ambitions de rafler une “majorité confortable“ en vue de permettre au président du Faso “de gouverner tranquillement“. Mais le constat est que, hormis quelques provinces, l’Oubritenga et le Sanguié notamment, le Méga parti a été contraint, un peu partout, au partage des sièges par des partis en plein essor.

S’il y a une leçon à tirer, c’est que la récréation est maintenant terminée pour le règne du “Tuk Gulli“ et le CDP devra désormais savoir que la faune politique est devenue très dense et inquiétante.

 

UPC, la grande surprise

S’il y a un parti politique qui a créé la surprise dans ces consultations électorales, c’est bien évidemment l’Union pour le progrès et le changement (UPC) de Zéphirin Diabré. Pour un coup d’essai, ce fut un véritable coup de maître ! 19 députés et 1 615 conseillers municipaux. Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes. Faut-il pour autant s’en étonné ?

Après le CDP, le jeune parti qu’est l’UPC qui en était d’ailleurs à ses premières élections à fait feu de tout bois et transformé tout ce qu’elle touchait en or. En seulement quelques mois, et en l’espace d’une élection, le parti de Zeph a bouleversé l’ordre qui prévalait dans le landernau politique burkinabè, passant de rien à la deuxième force politique du pays. Pas étonnant que son patron soit devenu le nouveau chef de file de l’opposition. Fallait-il s’étonner d’un tel résultat ? Non, assurément ! Car cela était prévisible.  En effet, contrairement à la majeure partie des formations politiques, l’UPC préparait depuis très longtemps –près de 2 ans- ces échéances électorales à travers l’installation de ces représentants régionaux,  provinciaux et communaux. A cette organisation, il faudrait ajouter la baisse de la côte de popularité de certains partis politiques, aussi bien de l’opposition que de la mouvance. L’UPC a donc su profiter de tous ces facteurs qu’on pourrait, à juste titre, qualifier d’adjuvants.

Enfin ! Le lion  aurait voulu annoncé son entrée dans la jungle politique qu’il ne se serait pas pris autrement.  

ADF-RDA, la confirmation

De 14 députés lors de la précédente législature, l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF-RDA) est passée à 18 députés et  1 746 conseillers municipaux. L’ADF-RDA est, avec l’UPC, l’un des partis qui ont le plus bousculé le parti au pouvoir, sur toute l’étendue du territoire national. En effet, même si l’Eléphant cède sa place de dauphin en termes de nombre de sièges à l’hémicycle au Lion, il aura tout de même été crédité d’un bon score et surtout fait mieux que son rival au niveau des municipales.

Toute chose qui vient conforter la place du parti de Gilbert Noël Ouédraogo sur l’échiquier politique national.

Tout compte fait, avec son score, l’ADF-RDA a montré qu’il faudra encore compter avec elle et pourrait même prétendre passer à une autre forme d’alliance avec le CDP, histoire de jouer un meilleur rôle.  

 

L’UPR fait tranquillement son chemin

L’Union pour la république (UPR) de Toussaint Abel Coulibaly fait incontestablement partie des grands vainqueurs de ces élections couplées. Avec 5 sièges et 438 postes de conseillers municipaux, l’UPR est entré dans le cercle très fermé des partis politiques avec lesquels il faudra maintenant compter. Le parti de la mouvance a, en effet, réalisé un score presqu’inespéré, notamment dans des provinces où il n’avait pas l’habitude de la victoire.

L’UPR a donc bénéficié d’une bonne campagne électorale, de son emprise sur certains fiefs électoraux et surtout de certains autres facteurs favorables. Le défi reste maintenant à garder et/ou à faire grandir cette confiance. Avec un tel score, Toussaint Abel Coulibaly pourrait demander plus dans l’exécutif, si toutefois il décidait de soutenir une nouvelle fois le programme du président du Faso.

 

 

UNIR/PS, PDS METBA  la grande désillusion

Sortis grandis de la présidentielle de novembre 2010 où ils avaient pu tester leur côte de popularité face à l’actuel président, les candidats Bénéwendé Stanislas Sankara (Union pour la renaissance/parti sankariste, UNIR/PS) et Hama Arba Diallo (Parti pour la démocratie et le socialisme/Parti des bâtisseurs, PDS/Metba), malgré leur aura, n’ont pu permettre à leur formation politique de réaliser ses ambitions. Celles d’avoir un groupe parlementaire.

Au départ très confiants, l’UNIR/PS tout comme le PDS/Metba ont été victimes –peut-être- d’un trop grand excès de confiance, voire d’une perte de confiance des électeurs ! Mais en tout cas, cela s’est ressenti dans les urnes et le verdict est sans appel : 4 députés et 396 conseillers pour l’UNIR/PS, 2 députés et 506 conseillers pour le PDS/Metba. Comment expliquer une telle dégringolade ?

Alors que les plus avertis pensaient à un duel PDS/Metba-UNIR/PS ou UNIR/PS-PDS/Metba (c’est selon), ils ont vite fait de se raviser devant le verdict des urnes et la volonté des 4 millions d’électeurs. Cela pourrait s’expliquer par une perte de confiance des Burkinabè en les responsables de ces partis en qui ils avaient mis espoir et confiance. Ou encore au fait qu’ils n’aient pas été convaincus par les prestations et les discours, ou qu’ils ne se retrouvaient pas en leurs différents programmes. En tous les cas, ces explications plus plausibles que celles avancées par certains des responsables de ces partis qui comme pour se défiler avancent que “c’est parce que les Burkinabè aiment ce qui est nouveau“.

Car si tel était le cas, des partis comme l’UPR ou encore l’ADF qui n’en sont pas plus jeunes, n’auraient pas réalisés ces scores ! Il leur appartient, au contraire, de vite trouver le mal afin de chercher le vaccin, histoire de revenir jouer les premiers rôles au lieu de chercher coûte que coûte un bouc émissaire.

Quoi que l’on dise, notre démocratie est sortie à coup sûr grandie de ces échéances électorales avec l’arrivée d’un nouveau chef de file de l’opposition et la redistribution des rôles. L’usure tue, dit-on ! Et ceux des responsables de partis politiques qui ont dormi sur leurs lauriers l’on appris à leurs dépens. Cette concurrence qui vient d’être instaurée au sein de la classe politique nationale dans tout son ensemble, opposition comme pouvoir, ne peut que faire du bien à notre démocratie, donc à tous les Burkinabè dans leur ensemble dont la maturité est également à saluer.

 

Par Philippe Bouélé BATIONO

 

 

 

 

 



11/12/2012
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